Peut-on dès à présent parler de l'après Dieudonné? Rien n'est moins certain.
Le temps d'un hiver français et la face du pays est déjà métamorphosée.
Il y a les métamorphoses bénéfiques et celles maléfiques.
Les changements vers le bien et les chutes vers l'obscurité.
Les nombreuses provocations de Dieudonné, de son compère Soral et de leur armée virtuelle, car il s'agit bien là d'une armée, ont posé de nombreuses questions aux français.
Il fallait, voilà quelques temps, choisir son bord, il fallait prouver son adhésion à une idéologie, il fallait donner du temps, des mots, parfois des actes.
Mais l'essentiel était de montrer patte blanche, à la porte d'un camp ou de l'autre.
Et c'est très certainement ce qu'il s'est passé.
Nous avons vu des phrases immondes naître sur les raiseaux sociaux, nous avons observé, sans bien les comprendre, des élites françaises tomber de la falaise de l'abject, toute honte bue, toute stratégie de carrière jetée aux orties.
Nous avons été médusés, nous, français, de trouver par un beau matin des tags dans les rues de Paris, des tags qui rappellent les décorations murales du Paris de l'Occupation.
Nous avons été les témoins de la résurection de ce phénix qu'est l'antisémitisme.
Ceci étant dit, et pour être tout à fait juste, il faut préciser que nombreux sont ceux qui se sont drapés dans des statures et des postures ambiguës sans comprendre "le quart de la moitié" de la signification des ces actes.
La bêtise est l'alliée de la l'innomable mal. L'ignorance est le vecteur de cette maladie.
La recherche d'un bouc émissaire, recherche tellement humaine, amène fatalement à l'antisémitisme.
Mais quand, sur la scène publique, explosent l'ivresse et la rage ancestrales de certains "gentils" à l'égard de leurs frères humains, la nature humaine doit être par quelques coups, ramenée à plus de raison.
Et ce fut l'honneur de la République, de son Ministre de l'Intéreur, de son système judiciaire, que d'être les garants de l'apaisement national, de l'apaisement des fois et des consciences.
Quand certains commentateurs ont préféré pactiser avec le diable et profiter de la vague rouge-brûne pour un peu de publicité et d'or, nos institutions se sont imposées stoïquement à la face du racisme, à la face de l'intégrisme, à la face enfin de l'inhumanisme.
Pour en terminer avec cette analyse, il faut affirmer que les français se sont montrés dignes, dans leur grande majorité, de l'héritage révolutionnaire.
A travers les divers sondages, par les soutiens moraux, par les mots, par les gestes (dans notre cas les antigestes), la France a renouvelé ses devoirs de protection vis à vis de sa population.
En allant parfois trop loin.
Mais c'est aussi l'honneur de certains, de ne pouvoir supporter l'injustice et l'immonde et de tout donner, de trop donner, pour combattre ces dernières.
La France s'est rappelée de cet honneur, qu'elle a eu, au lendemain de la chute de l'Ancien Régime, de donner la citoyenneté française à ses juifs.
Voilà ce qu'aura été, l'affaire Dieudonné, pour nous autre.
Un révélateur.
Du pire et du meilleur.
Elle aura eu le mérite de mettre en lumière les perversions de certains, les honteuses cachoteries qu'on ne révèle qu'à son reflet dans le miroir par une nuit sans lune.
Elle aura su réconforter et rassurer la communauté juive française tout en insistant bien sur le fait que par le silence, on signe le pire des forfaits.
Elle aura cloué le bec aux fascites, aux néonazis, aux islamistes, bien que ces termes, ces derniers temps, se confondent de plus en plus.
Elle est enfin, cette affaire, un symbole.
Au même titre que l'affaire Dreyfus est l'image de la France qui se fourvoit puis se réhabilite, l'affaire Dieudonné sera celle de la France militante, de la France combattante, de la France protectrice, amoureuse de ses minorités, amoureuse de cette richesse qu'est la diversité.
Le France sera unifiée et pacifiée, pour faire face aux autres dangers qui la guettent, ou ne sera pas.
La France est un idéal, la France est un étendard.
La France a la couleur et le visage qu'on veut bien lui donner.
Elle n'est pas blanche, elle n'est pas noire, la France.
Elle est belle, la France.
Ne la jouons pas aux dés, ne la gâchons pas.
Car si ses frontières territoriales ne sont pas très étendues, ses messages repoussent les limites, amplifient sa voix.
La France est un modèle. Et quoi qu'en disent les observateurs étrangers, notre pays, notre patrie, c'est l'avenir.
Par ses choix, par ses lois.
La France, c'est la liberté guidant le peuple, par Delacroix.
Nous attendons tous qu'elle se redresse et qu'elle nous caresse de sa main, qu'elle nous recueillle tous, les rêveurs et les pragmatiques.
Encore Un Petit Mot